GEOSALAR I



Utilisation de la géomatique pour la caractérisation de l'habitat fluvial et la modélisation
de la production de smolts en rivière (rivière Sainte-Marguerite, Saguenay)

Julian Dodson (U. Laval), Normand Bergeron (INRS-ETE), Michel Lapointe (U. McGill),
Daniel Boisclair
(U. de Montréal); Stuart Lane (U. of Durham, UK)).

GEOSALAR est un projet de recherche multidisciplinaire dont l’objectif consiste à développer des approches géomatiques innovatrices pour la modélisation de la production de saumon atlantique juvénile en relation avec les caractéristiques des habitats fluviaux et estuariens. La première phase de ce projet "GEOSALAR I", qui s'est déroulé sur la rivière Sainte-Marguerite (Saguenay), est terminée. La deuxième phase du projet (GEOSALAR II) a débuté au printemps 2005 et se déroule principalement en Gaspésie.



GEOSALAR I est un projet dont l’objectif consistait à appliquer les développements récents dans le domaine de la géomatique à la problématique de la modélisation de la production de saumon atlantique en rivière en fonction des caractéristiques de l’habitat fluvial. Le projet s'est déroulé sur la rivière Sainte-Marguerite (Saguenay)

Objectifs spécifiques :
(1)
Caractérisation physique de l’habitat fluvial : granulométrie, topographie;
(2)Définition de maillons sédimentaires et habitat du saumon;
(3)
Mesure de la Vitesse de courant par PIV (particle image velocimetry);
(4)
Modélisation de la production de smolts;
(5)
Amélioration des modèles empiriques utilisés pour la gestion des stocks de saumon de la province de Québec.

Réalisations principales de Géosalar I

(1) De nouveaux outils géomatiques permettant d'obtenir des mesures à haute résolution spatiale des variables d'habitat sur de longs segments de cours d'eau ont été développés

(a) Des méthodes automatisées d'analyses d'images numériques aéroportées de haute résolution (3 cm) ont été développées afin de mesurer la distribution spatiale de la taille du substrat et de la profondeur d’eau avec une résolution spatiale respective de 1m² et 4m².

Photo© Geosalar 2002


Photo © Patrice Carbonneau


Le projet Geosalar a développé avec succès des algorithmes qui permettent une mesure automatisée de la taille des grains du lit et de la profondeur de l’écoulement à partir d’images aéroportées de haute résolution. Afin de gérer de façon efficace le volume considérable de données granulométriques et bathymétriques produites par ces algorithmes, un SIG a été mis au point sous forme d’une série d'interfaces graphiques dans l'environnement MATLAB. Ces interfaces permettent à un utilisateur d'extraire l'information à une échelle locale (échelle du mètre) ou à l’échelle du bassin versant (échelle du kilomètre).



Par exemple, un utilisateur peut simplement cliquer dans une image donnée pour obtenir une taille de grain ou une mesure de profondeur.


De plus, il peut créer des profils en long selon un espacement désiré d'échantillonnage et ce, pour la rivière entière. Il s’agit de la première réalisation d'un profil en long de la granulométrie basé sur un prélèvement continu d’une rivière entière.


Fluvial Information System
Photo© Patrice Carbonneau

Cette méthode représente une percée significative par rapport aux méthodes traditionnelles qui ne peuvent offrir une résolution comparable.

De plus, ce SIG permet de faire des requêtes combinant les types de données disponibles. Par exemple, les données des courbes de préférence pour la granulométrie et la profondeur peuvent être utilisées pour calculer des aires d’habitat utilisables par les saumons et ce, pour toute la rivière.


(b)
Une technique d’analyse d’image vidéo qui utilise le principe du PIV (vélocimétrie par images de particules) a également été développée afin de mesurer de façon rapide et efficace la vitesse du courant en rivière.




La distribution spatiale des vitesses d’écoulement joue un rôle central dans l’étude des habitats aquatiques. Avec l’utilisation du courantomètre conventionnel, la mesure de cette variable nécessite beaucoup de temps sur le terrain, surtout lorsque des mesures sont requises sur de grandes surfaces.

Le PIV est une technique d’analyse d’images qui mesure le déplacement d’un objet entre deux images et qui divise la distance obtenue par l’intervalle de temps entre ces 2 images. Notre application PIV détermine la vitesse de surface de l’écoulement en rivière à partir d’enregistrement vidéo numériques pris en oblique de la surface de l’eau. Les images vidéo sont traitées avec des algorithmes d’autocorrélation d’images qui utilisent la texture de la surface de l’eau pour suivre le déplacement des particules à la surface de l’eau entre des images consécutives. Les vitesses résultantes en pixels/seconde sont ensuite orthonormalisées à partir de points de contrôle mesurés à l’aide d’une station totale pour obtenir les vitesses réelles en mètres/seconde.

Photo © Francis Bérubé


Images video numériques prises en oblique de la surface de l'eau
Photo © Julie Smith



La présence d’erreurs dans l’estimation de la vitesse par le PIV associées d’une part à la présence de reflets à la surface de l’eau et d’autre part à la transparence de l’eau qui a pour effet de rendre visible le fond immobile de la rivière ont pu être identifiés, filtrés et corrigés, permettant ainsi d’obtenir une très bonne corrélation entre les vitesses mesurées au PIV et celles mesurées au courantomètre.

L’approche «density-based clustering» a permis d’éliminer presque complètement les effets de la transparence de l’eau (fond visible) et des reflets à la surface (présent sur la rivière St-Charles) et a permis ainsi d’obtenir une très solide corrélation (R2 = 0.94) entre les vitesses mesurées au PIV et celles mesurées au courantomètre.



Ces nouvelles méthodes amélioreront la qualité des études d’impacts environnementaux en permettant d’obtenir une couverture continue des habitats perturbés. Elles permettront aussi de minimiser les travaux sur le terrain, ce qui entraînera une réduction importante des coûts associés à la réalisation de telles études.


 



(2) Le concept de segmentation géomorphologique d’une rivière en maillons sédimentaires a été utilisé avec succès pour prédire la localisation des meilleures habitats de fraie et de taconnage le long d’une rivière.


Une segmentation géomorphologique dite en ‘liens ou maillons sédimentaires’ fournit un modèle très utile pour comprendre l’organisation de l’habitat du saumon à l’échelle des vallées principales. La branche Principale de la rivière Sainte-Marguerite a été divisée en 6 unités naturelles du paysage ou maillons sédimentaires en utilisant les informations provenant des cartes topographiques et le profil en long de la rivière.

Segmentation de la rivère Ste-Marguerite en unités naturelles du paysage ou "maillons sédimentaires"
Graphique © Chad Davey

Cependant selon le profil granulométrique longitudinal, obtenu à partir d’imagerie numérique (XeosTM) couvrant l’ensemble de la rivière obtenue des survols photographiques, 9 maillons sédimentaires ont pu être définis.
Dans chacun des maillons, de l’amont vers l’aval, les résultats montrent une augmentation longitudinale de la mobilité des sédiments de surface et du pourcentage de sable et une diminution de la grosseur des sédiments du lit et de la contrainte au lit lors des crues. Sur la RSM, la majorité des maillons sédimentaires sont initiés par des ‘zones source’ de blocs associées au sapement des terrasses fluvio-glaciaires, plutôt que par l’apport d’un tributaire.


Structuration en maillons sédimentaires (R. Ste-Marguerite) :
effets sur l'abondance des tacons et la localisation des sites de fraie
Graphique © Chad Davey (équipe Lapointe);
Données de tacons © Judith Bouchard (équipe Boisclair)
Les densités moyennes les plus élevées de tacons à l’échelle des segments de vallée semblent reliées à la concentration locale en maillons courts et l’abondance de tacons semble être la plus élevée dans la partie amont de la plupart des maillons.
Les habitats de taconnage (en amont) et de fraie (à mi-maillon) ont donc tendance à être localisées dans des zones différentes de chacun des maillons.

Le relevé des emplacements des sites de fraie a fait ressortir les tendances de la distribution des habitats de fraie dans les différents maillons sédimentaires.

La diminution longitudinale de la grosseur des sédiments du lit vers l’aval à l’intérieur de chacun des maillons sédimentaires a comme conséquence le regroupement des sites de fraie aux emplacements où l’on retrouve les sédiments dont la taille moyenne est la plus favorable (juste en aval du centre de la zone d’affinement) et où le pourcentage de fine dans le substrat permet des conditions optimale de survie des oeufs.

La localisation des meilleurs habitats de fraie peut ainsi être prédite à l’intérieur de la zone d’affinement dans chacun des maillons.

Cas du maillon sédimentaire "Bardsville" (rivière Ste-Marguerite)
Graphique © Chad Davey

(3) Caractérisation de la préférence d'habitat nocturne hivernale du tacon de saumon atlantique le long d'un lien sédimentaire (R. Ste-Marguerite)
Les nouveaux outils développés par le projet Geosalar I ont été utilisés pour caractériser l’habitat nocturne hivernal le long d'un maillon sédimentaire. La vitesse du courant semble être la variable dont la préférence est la plus constante le long du lien sédimentaire malgré d’importantes variations au niveau de l’intensité de cette préférence.


(4) Modélisation de la production de smolts

Afin de vérifier si la productivité, les caractéristiques biologiques et la vitesse de migration des smolts diffèrent entre des tronçons présentant des caractéristiques physiques d’habitat différentes, la branche Principale de la rivière Sainte-Marguerite a été divisée en 5 tronçons (utilisation des segments sédimentaires) par installation d’une trappe de dévalaison à la fin de chacun des secteurs.


Trappe chalut
Photo© Jean-François Bourque


smolt taggé
Photo© Catherine Brisson-Bonenfant

Trappe rotative
Photo© Catherine Brisson-Bonenfant

Un des faits surprenant qui a été constaté est que le secteur situé entre le km 7 et Bardsville (km 33) semble être le plus productif. Étant donné qu’il y a peu d’habitat de qualité pour les tacons dans cette zone, nous avons voulu vérifié si une migration des tacons pouvait avoir eu lieu lors de l’automne précédant la dévalaison en installant 2 trappes rotatives sur la branche principale de la rivière (Bardsville et Glass Pool) du milieu septembre à la fin octobre. Une estimation de 2150 tacons dévalant dans le secteur de Glass Pool et de 890 tacons dans le secteur de Bardsville a été évaluée. Il semble donc bien y avoir une migration automnale des tacons. Cependant, la majorité des tacons capturés étaient sexuellement matures et les mouvements observés semblent être associés à un déplacement vers les frayères plutôt qu’à une migration pré-smolt.

Graphique© Jean-François Bourque

L’âge à la dévalaison des smolts semble être significativement différent entre les secteurs. Par contre il ne semble y avoir aucune différence significative entre les secteurs pour le sexe ratio, la taille, la condition corporelle et la vitesse de migration des smolts.


(5) Amélioration des modèles empiriques utilisés pour la gestion des stocks de saumon de la province de Québec

Geosalar I a contribué également à l’amélioration des modèles empiriques utilisés pour la gestion des stocks de saumon de la province de Québec



Nous avons utilisé la télédétection de haute résolution pour augmenter l'étendue de la couverture des caractéristiques d'habitat (données d’imageries aéroportées obtenues des survols photographiques effectués en 2002 tout au long de la rivière Sainte-Marguerite). La relation entre la densité des juvéniles (déterminée annuellement à la pêche électrique le long de la Principale d’août 1997 à août 2004 (50 sites)) et les propriétés de l'habitat a été déterminée à l’aide d’outils de modélisation non-paramétriques.

L’utilisation de nouvelles approches non-paramétriques et l’utilisation des variables d'habitat à un éventail plus large d'échelles spatiales a permis d’améliorer les modèles d’utilisation de l’habitat par les saumons atlantiques juvéniles.
a) Les modèles de qualité d'habitat basés sur les approches non-paramétriques ont permis d’obtenir une plus grande puissance explicative que ceux basés sur des approches traditionnelles ainsi que de déterminer l'importance relative des variables physiques d’habitat sur la densité des juvéniles.
(b) L’intégration des données de télédétection à plusieurs échelles a également augmenté sensiblement la puissance explicative de ces modèles. La composition proportionnelle du substrat, en amont et en aval de l’endroit où les saumons ont été observés, s’est révélée être une propriété très importante. Les juvéniles ont montré aussi une forte préférence pour certaines caractéristiques géomorphologiques comme les seuils ou les fosses. Enfin, la proximité des frayères influence fortement la densité des saumons juvéniles.


Utilisation de la télédétection de haute résulution
pour caractériser l’habitat

© Richard Hedger et Patrice Carbonneau